Activiste sans être radicale, Céline Issen a pris la décision de ne plus jamais acheter ses aliments en grande surface. Médecin reconvertie dans la prévention des risques liés à l'environnement sur la santé, elle nous détaille les changements d'organisation qu'elle a dû opérer pour tenir cette belle, et surtout bonne, résolution.
Tout commence par une résolution de début d'année
"Le 2 janvier je me suis réveillée avec une nouvelle résolution, ne plus aller en supermarché pour mon approvisionnement alimentaire. Cette décision qui peut paraitre soudaine et radicale est en réalité l’aboutissement d’un long cheminement.
Depuis une dizaine d’année, je consacre beaucoup de temps et d’énergie à mettre en place de nouveaux comportements ou habitudes favorables à une bonne santé. Étant médecin généraliste de formation, je pensais avoir les connaissances nécessaires pour élever mon fils dans un environnement sain. En réalité, il n’en était rien, notamment en ce qui concerne notre alimentation. Il y avait par exemple beaucoup de plastique dans ma cuisine. Mon fils a été nourri avec des biberons contenant probablement des perturbateurs endocriniens comme le bisphénol A. Mes placards étaient remplis de plats cuisinés industriels pour les soirs de flemme, des soupes en brique, des petits pots à réchauffer au micro-onde, de la compote en gourde individuelle. Des placards classiques pour une maman célibataire en mode working girl pressée.
Céline Issen, la prévention avant tout
D'abord médecin généraliste, Céline Issen est devenue aujourd'hui spécialiste en Santé Environnement et Aide à la Prévention à travers son cabinet conseil Mon Eco LOGIS.
Son objectif est d'informer sur les risques d' une exposition quotidienne à certaines substances présentes dans les maisons ou locaux professionnels.
Quelle méthode mettre en place ?
Était-il possible de modifier notre alimentation en y ajoutant plus de plats faits maison, des aliments bios et en évitant les emballages dont le plastique ainsi que les additifs alimentaires ? Le seul moyen de le savoir, essayer. Et avec une méthode que j’applique pour tout, la méthode des petits pas, une chose après l’autre, à mon rythme. Il y a une dizaine d’années j’ai donc commencé à préparer tous les gâteaux et biscuits pour les gouters de mon fils, puis les soupes, les confitures. Mes balcons se sont progressivement transformés en petits potagers urbains en bac où je pouvais cultiver tomates cerises, radis, fraises, salades.
Aujourd’hui je ne suis plus salariée mais consultante indépendante. Je peux m’organiser afin de trouver du temps pour ce nouveau mode de vie, mais mon budget est lui plus contraint. Mes balcons potagers sont toujours là, mais je cultive également une parcelle dans une association de jardiniers. Un stérilisateur me permet de réaliser mes propres conserves de fruits et légumes pour l’hiver. Les aliments que j’achète sont bruts, je cuisine presque tout moi-même
Pour les fruits et légumes, Céline Issen a rendu ses balcons potagers et cultive également une parcelle dans une association de jardiniers.
Trouver les solutions d'approvisionnement ?
La suppression des supermarchés était pour moi une suite logique. Mais logique ne veut pas dire facile. Dans les premiers jours il a fallu que je consacre beaucoup de temps pour chercher des alternatives acceptables y compris pour mon budget.
Concrètement, pour les fruits et légumes c’est assez simple. Il y a d’abord ma production personnelle. Pour cet hiver il me reste des courges qui ne nécessitent pas de mode de conservation particulier, des haricots verts et des petits pois au congélateur, des conserves maison de légumes cuisinés type ratatouille ou légumes pour couscous, des bocaux de légumes lactofermentés. Et au potager en ce moment il y a de la salade, de la mâche et des poireaux. Je complète en allant au marché ou dans un magasin de producteurs en périphérie de Bordeaux « la Compagnie Fermière » où je trouve des produits locaux en circuit court.
Je suis végétarienne mais pas mon fils. Il consomme de la viande en moyenne 2 fois par semaine. Je me fournis en local à la compagnie fermière aussi. J’y trouve également quelques produits frais comme les œufs bios, le beurre, la crème.
Le plus difficile a été de trouver une source d’approvisionnement pour tout ce qui est épicerie sucrée et salée. Certes il existe plusieurs sites internet proposant la livraison à domicile. Mais aucun ne me convient. Un de ces sites appartient à un groupe de la grande distribution, ce que je cherche justement à éviter. Un autre fonctionne avec un système d’abonnement pour garantir des prix plus bas que la concurrence. Mais ce système rend les clients captifs. Quand on paie 60€ pour un abonnement à l’année on cherche à le rentabiliser. D’autres enfin n’ont quasiment aucun produit français.
Puis une connaissance m’a parlé du « Drive tout nu ». Un drive en ligne qui propose des produits pour la grande majorité français, souvent bios et vendus dans des bocaux avec un système de consigne donc sans déchet. Cerise sur le gâteau, des prix raisonnables et sans système d’abonnement.
Quand j’ai un peu de temps, je vais également visiter les boutiques susceptibles de m’intéresser. La prochaine sur ma liste est une boutique zéro déchet pas très loin de chez moi
Pour consommer en toute saison, Céline Issen stérilise et met en bocal ses légumes et plats cuisinés comme la ratatouille. Pour l'épicerie sucrée et salée, elle s'approvisionne sur la plateforme le drive tout nu (photo de droite)
Un budget qui n'a pas explosé
Tout se met en place progressivement. Au début de ce challenge je n’étais pas assez organisée et j’ai subi quelques ruptures d’approvisionnement. Il a fallu faire preuve de créativité pour composer avec ce qu’il y avait dans le réfrigérateur. Heureusement mon fils est tolérant sur ces questions. Il comprend et accepte mon engagement, même s’il ne le partage pas forcément
Ces petits inconvénients sont largement compensés par les avantages que j’y trouve, les plus importants étant notre santé et la préservation de l’environnement. Je ne pense pas que Mr et Mme Auchan, Carrefour, Leclerc ou consorts ont besoin de moi. Ils n’ont même pas dû voir que je n’étais plus là. Mais les petites boutiques en circuit court ont une cliente de plus et certains d’entre eux l’ont remarqué. Discuter avec une commerçante qui vous reconnait d’une semaine sur l’autre c’est agréable. Et pour finir sur le point financier, pour le moment je tiens le même budget que lorsque je fréquentais les grandes surfaces. A vérifier sur la durée..."
Disposant encore de stocks pour les produits d'hygiène et d'entretien, Céline Issen envisage également d'acheter ces articles ailleurs qu'en grande surface. Une recherche qu'elle doit sourcer, en "veillant particulièrement à la composition des produits" nous précise-t-elle.